Marcel Duchamp, l’indigène



Format 22 x 29,7 cm - Relié - 160 pages - 39 € - ISBN 9782848112206
www.editionsdesfalaises.fr


Est indigène, celui qui est originaire d’un pays, celui qui a ses racines dans un territoire qui lui tient lieu de matrice et au besoin de source d’inspiration. Né à Blainville-Crevon, petit village normand au milieu des pommiers, Duchamp passera une partie de sa jeunesse à Rouen et y séjournera à de nombreuses reprises. Comment ne pas imaginer la capitale de la Normandie comme le lieu d’origine des fulgurances duchampiennes ?
Patrice Quéréel, pédagogue passionné, écrivain dilettante, membre de la Commission rouennaise des monuments historiques, est président de plusieurs associations. Il est l’inventeur du PCMA (Premier cimetière mondial de l’art) et gère ses savoureux DAG (Distributeurs d’argent gratuit).
Au vrai, dans tous ses mondes, sa pince multiple, sa clé universelle, c’est Marcel.



Présentation de l'ouvrage



Chez Duchamp, la Normandie est la véritable matrice de l’œuvre. Non seulement, il ne quitte jamais cette région avant ses dix-sept ans, et ce sera simplement pour partir, baccalauréat en poche, rejoindre ses frères à Paris, c’est à dire la grande banlieue de Rouen, mais il ne perd jamais totalement le contact avec sa région d’origine, faisant de continuels retours à l’espace paternel, avant de partir, adulte, provisoirement d’ailleurs, à vingt-huit ans, à Munich puis aux États-Unis.
Oui ! La relation de l’œuvre de Marcel au pays normand relève d’un fonctionnement matriciel. Duchamp est un sensuel.
Les sens guident ses pulsions, ses subjugations, ses références, le choix de ses modèles, lesquels génèrent ses productions à travers ses obsessions. Et tout provient ainsi du monde sensible que l’enfant, l’adolescent avait sur la langue ainsi que sous les yeux. Le goût, l’odorat par exemple qui génèreront notamment la passion pour le chocolat, mais surtout la vue : Duchamp, dès l’enfance, s’imprègne du regardé. Duchamp est un mateur. Marcel retient tout ce qui peut passer dans le champ de son regard : passion pour les choses montrées dans les vitrines, passion pour la campagne, passion redoublée pour la ville, pour la modernité, celle du gaz d’éclairage et des nouveaux moyens de transport électriques, passion... passion... Duchamp est un buvard, il s’imprègne de tout, en particulier de tout ce qui bouge, de la mélangeuse à table tournante dans la vitrine de chez Gamelin par exemple. Et, il est subjugué par les insectes, les hyménoptères, tout ce qui s’agite, tout ce qui vibre, qui vrombit, tout ce qui tombe, l’eau qui chute, qui chante. Duchamp absorbe, et de façon privilégiée par la vue, tout ce qui est, tout simplement, de son terroir normand.
Et ce champ des découvertes indigènes forme le terreau de son œuvre future, de toute la production à venir et en particulier les grandes machines emblématiques que sont par exemple La Mariée mise à nu par ses célibataires, même ou Étant donnés : 1° La chute d’eau 2° Le gaz d’éclairage. Tout se déduit, chez Marcel, des prémices absorbées dans les années puériles et d’adolescence vécues à Blainville-Crevon, puis à Rouen, à Veules-les-Roses et à Yport.
La critique ne s’est guère penchée sur les périodes fondatrices de l’imaginaire duchampien ; elle a cru pouvoir presque passer sous silence les temps de l’éducation, de la formation, de l’aspiration à la vie, de l’étonnement initial devant le monde. Du coup, l’œuvre de Marcel devient incompréhensible, absconde, certains diront même « surréaliste ». Que d’absurdités. Il n’y a rien de « surréaliste » chez Duchamp. Jamais. Tout est au contraire délibérément logique, construit, et parfaitement compréhensible dès lors qu’on aura repéré dans la genèse d’une jeune existence les stimuli qui inspirent l’item futur.




J’irai revoir ma Normandie



L’air est connu : J’irai revoir ma Normandie est une chanson des frères Bérat devenue par excellence l’hymne normand. Commençons par la fin : Duchamp, après avoir un peu oublié le terroir local, se ressouvient de sa Normandie. Il a quatre-vingts ans, va très bien – merci pour lui – et est à dix-huit mois de sa mort. Il revient à Rouen à l’occasion d’une grande exposition qui se déroule au musée de la ville et qui a pour titre Les Duchamps (Marcel a tenu à conserver sur l’affiche la coquille du s final). Il s’agit d’une grande manifestation qui concerne les trois frères – Jacques Villon, Raymond Duchamp-Villon, Marcel bien sûr, mais aussi la petite sœur Suzanne. Duchamp s’est lui-même investi pour que cette exposition, à Rouen, puisse avoir lieu et ait toutes les caractéristiques d’une rétrospective globale. Il dira même, sans que personne n’ait vraiment bien compris la chose : « Selon moi, Rouen est aussi important que Paris dans cette circonstance ». Pourquoi cette importance de Rouen ? Parce que Rouen est la source, l’origine de l’univers duchampien. Revenir à Rouen, pour Marcel, c’est refermer le cercle, clore la boucle à deux pas de la mort, relier l’œuvre, les œuvres à leur raison d’être et à leur sens. Mais attention bien sûr, pour ceux qui sauront deviner, traduire, percer, éclaircir les ombres de l’intrigue...



Duchamp dans sa ville